Questions / réponses avec l’autrice Sara Catella
Sara, comment est né le texte de ce livre ?
Ce livre est né lors d’un atelier d’écriture à Bienne. Sur la table se trouvait l’idée de Sylvie Newman : écrire un hommage à l’écrivain Jörg Steiner. Ainsi, dans les quelques lignes de ce texte, il y a des détails que j’ai choisis parce qu’ils rappelaient l’univers de l’auteur biennois. Puis il y a l’histoire, la vraie histoire d’une rencontre, la beauté d’une amitié hors du commun. Enfin, c’est un hommage à la gourmandise et au plaisir de jouer avec les mots et les rimes, comme le font les enfants.
En le lisant, on a presque l’impression d’entendre des accents chanter. Ce côté multilingue, c’est important ?
Mon écriture naît sous forme d’images et de sons. Elle aspire à jouer juste, mais elle baigne dans les dissonances. J’aime les formes dialectales et les mots inventés, j’adore parcourir le dictionnaire pour ensuite revenir à mon instinct et au rythme de la langue parlée… Mon rapport à l’écriture est un tourbillon, un écho qui oscille entre assonances et distorsions pour devenir phrase.
D’ailleurs, le titre original était « Histoire un peu gourmande d’une amitié franco-allemande »…
Je suis italophone, j’écris en français et j’habite à Berne, où l’on parle allemand, mais surtout le dialecte. J’aime écouter les conversations dans les langues les plus diverses. Là où ma compréhension ne va pas, j’utilise mon imagination et mes yeux.
Qu’est-ce qui te plaît particulièrement dans le travail de Cécile ?
J’adore la manière dont la nourriture entre dans le visuel de façon poétique. Elle devient le paysage dans lequel le vieil homme et l’enfant se rencontrent. Les ingrédients sont d’abord imaginaires, par leurs tailles et leurs dimensions, mais ce surréalisme ne les empêche pas de devenir les complices des aventures des protagonistes.
Je trouve les traits des dessins et les couleurs de Cécile incroyables ! Ils marquent une personnalité que je suis heureuse de pouvoir marier à mon texte. Il y a de la vivacité et du rythme dans les pages, l’éclat des couleurs suit les émotions des dialogues et parvient à être à la fois poétique, ironique ou mélancolique.
Merci Cécile !
Parlons nourriture… tous ces plats, ces spécialités… ce sont des mets que tu cuisines ou que tu affectionnes particulièrement ?
Je cuisine tous les jours. Officiellement, je n’aime pas cuisiner. Mais je pense que, culturellement, la bouffe est entrée en moi. Quand ma grand-mère m’appelle, elle me demande ce que je mange. Elle veut en fait savoir comment ça va. Chez nous, la nourriture entre dans tous les discours, elle est omniprésente.
Si j’ai peu d’ingrédients et que le frigo est vide, je fais de mon mieux et j’invente un plat qui est souvent délicieux. Mon mari cultive un potager fantastique, j’ai donc un grand allié…
Le mot de la fin ?
Je suis émue par le soin que mes collègues ont apporté à ce texte. Il a été pris en charge, accompagné, mis en images, édité, relu, corrigé et aimé. Dès le premier instant.
L’estime que je porte à Cécile et aux femmes d’askip est énorme. Je suis ravie que mes mots renaissent, qu’ils puissent être entre les mains des lecteurs tels qu’ils se présentent aujourd’hui. Je crois que mon écriture a pris le meilleur grâce à ce travail collectif.
Questions / réponses avec l’illustratrice Cécile Koepfli
Cécile, quelles images te sont spontanément venues en tête la première fois que tu as lu le texte de Sara ?
Des images de plats et de paysages sont apparues très vite. Les noms de plats inventés par Sara m’ont inspirée et fait voyager immédiatement. L’amitié entre les deux protagonistes m’a aussi plu ; j’ai eu envie de trouver un moyen de représenter le lien qui se construit entre eux au fil de leurs rencontres.
Est-ce que c’est la première fois que tu illustres les mots de quelqu’un d’autre ?
Non, j’ai déjà illustré des textes d’autres personnes dans des projets d’auto-édition, nés de collaborations assez spontanées. De petits livres ont été créés en très peu d’exemplaires (avec Yolande, par exemple) avec des amies écrivaines. Ce n’est donc pas la première fois que je dessine à partir d’un scénario écrit par quelqu’un d’autre, mais le cadre change. Avant, c’était pour la bande dessinée ou pour de petits projets ; ici, ce sera la première fois que mon travail sera publié.
Raconte-nous ton processus de création pour ce livre…
Je me suis d’abord mise à dessiner des paysages plats, des lapins, un chat, puis j’ai attaqué les personnages. Très vite, j’ai trouvé Jean ; je l’ai croisé un jour dans le train, il était assis en face de moi. Le plus difficile a été de représenter Tristan.
Le choix des couleurs n’est pas anodin…
En effet ! Mais comme j’aime beaucoup les couleurs, il a été difficile de faire un choix ; j’aurais voulu en mettre encore plus ! On a trouvé un équilibre entre les tons chauds et froids. Les couleurs les plus évidentes ont été le bleu nuit pour raconter la solitude et, pour décrire la nouveauté et l’appétit de vivre, le rose Bubblegum.
Et niveau nourriture, quelle recette aimerais-tu illustrer (et partager 😊) ?
Peut-être une recette de ma mère, comme le gratin dauphinois ou son excellent gâteau à la carotte, ou encore le sirop à la menthe de ma nouvelle voisine ! J’adore illustrer des recettes ; je le fais pour moi, pour les gens que j’aime et pour ceux que je ne connais pas. Les plats que l’on cuisine sont empreints d’émotion. Parler de nourriture à quelqu’un est plus facile que de parler de soi-même, mais cela révèle quelque chose de très intime.